C’est avec plaisir que j’ai eu l’occasion de participer à l’émission les Matins Bonheur du Mercredi 11 Septembre 2019, sur France Bleu Azur, en tant que psychologue afin de parler du harcèlement scolaire que peut subir un enfant.
En effet, près de 700 000 jeunes en souffrent (Source enquête victimation 2015 – DEPP) et avec le développement des réseaux sociaux, de plus en plus d’enfants et adolescents en sont victimes et n’ont que peu d’aide. Si vous avez besoin d’aide ou d’informations à ce sujet, n’hésitez pas à vous renseigner sur les différents sites du gouvernement (vous les trouverez en bas de l’article). Aussi, un numéro vert est à disposition de toute personne qui souhaite parler de harcèlement au 3020.
Qu’est-ce que le harcèlement scolaire ?
Le harcèlement est un rapport de domination qui s’inscrit dans le temps, c’est-à-dire que ces actes de violences doivent être répétés et non isolés. De plus, ces violences doivent être portées par une intention de nuire, de faire du mal et chercher à blesser, ridiculiser ou porter atteinte à la personne.
Lorsque l’on parle de violences, cela peut être des violences verbales, comme les insultes, des violences psychiques, comme des coups, mais également des violences psychologiques, telles que des intimidations, rumeurs, menaces ou moqueries.
Les personnes qui harcellent cherchent à isoler leur victime, qu’elle soit seule ou que ce soit un groupe. En effet, un groupe de personne peut également être harcelé.
Le plus souvent les harceleurs vont chercher des différences avec leurs victimes : que ce soit des différences de sexe, de taille, de poids, d’orientation sexuelle, de classe sociale, de handicap (physique ou mental), d’appartenance, de centre d’intérêt, etc. La liste est malheureusement longue et non exhaustive. Si certaines personnes agressent quelqu’un de différent d’eux, c’est bien souvent à cause d’ignorance, de préjugés ou de manque d’empathie. Il est important de pouvoir faire tiers dans ces situations de harcèlement afin de permettre aux harceleurs de prendre conscience des violences qu’ils font subir et de permettre aux victimes de ces violences de ne plus les endurer.
Le cyberharcelement que vit l’enfant
Auparavant, les enfants victimes de harcèlement avaient au moins un instant de répit en rentrant chez eux. Ils se retrouvaient dans un espace où ils se savaient en sécurité, loin du tumulte de l’école et des conflits avec les harceleurs.
Avec l’avancée des nouvelles technologies et notamment des réseaux sociaux, les enfants sont continuellement en lien les uns avec les autres, et donc indirectement ou directement reliés aux harceleurs également. Ces derniers peuvent harceler via les réseaux sociaux, en piratant des comptes, en publiant des photos ou messages provoquant, dévalorisant ou insultant.
Cela est dès lors très difficile pour un enfant ou adolescent victime de harcèlement de pouvoir trouver un moment de calme et de répit, car il est désormais constamment agressé au travers des réseaux sociaux, 24h/24, sept jours sur sept.
Ces formes de harcèlement numérique prennent différentes formes, notamment le cybersexisme, qui est une forme de violence à caractère sexiste et/ou sexuel. Il peut par exemple prendre la forme d’une tentative d’embrasser à répétition une personne sans son consentement, ou de la déshabiller sans qu’elle le souhaite. Le sexting est également de plus en plus courant (pour en savoir plus cliquez ici) et fragilise de nombreuses personnes à travers du chantage et un sentiment de honte en public.
A cause de l’omniprésence des réseaux sociaux, les jeunes ne sentent de moins en moins sûr, et ce même chez eux. Le numérique et le harcèlement s’immiscent dans la sphère très privée du domicile, ne laissant aucun moment au jeune harcelé. Les risques sont alors élevé car l’enfant ou adolescent se retrouve complètement débordé et a bien souvent le sentiment que sa situation est impossible à changer, se sentant pris au piège.
Quels sont les signes et risques du harcèlement ?
Les risques sont nombreux, nous pouvons les organiser ainsi.
Tout d’abord au niveau scolaire, un enfant harcelé risque de ne plus vouloir aller à l’école du fait qu’il soit harcelé. Le refus d’aller à l’école est l’un des premiers signes. L’enfant aura du mal à aller à l’école, avec des nombreux refus et il risque de se déscolariser à cause d’une augmentation de l’absentéisme voire même d’entrainer un décrochage scolaire dans les cas les plus graves.
De même, lorsqu’il est à l’école, les résultats scolaires de l’enfant risquent d’en pâtir. L’enfant aura du mal à se concentrer et à écouter car il sera certainement très perturbé soit par ses harceleurs, soit par la crainte d’être harcelé. Dès lors, des préoccupations et pensées obsédantes peuvent apparaître et perturber considérablement l’apprentissage et la scolarité de l’enfant.
Ensuite sur le plan de l’humeur, l’enfant risque des changements d’humeur importants. L’anxiété est l’un des premiers signes qu’il est important de noter. En effet, l’effet sera toujours préoccupé par ce qui peut être dit sur lui ou sur ce qu’il peut lui arriver. Une hyper-vigilance peut être un second signe. C’est à dire que l’enfant sera toujours sur la défensive, en état de stress perpétuel, très alerte afin de réagir rapidement car se sentant perpétuellement en danger. Un enfant qui est agressé à l’école pourra montrer des mouvements de peurs ou de réflexes exacerbés lorsqu’un bruit suspect se fait entendre dans la maison par exemple.
On pourra noter également des troubles du sommeil, soit lors de la phase d’endormissement, soit durant la nuit. Les pensées obsédants, craintes et préoccupations de l’enfant risquent de l’inquiéter et de l’empêcher de dormir. Lorsqu’il dort, des cauchemars risquent de le réveiller et perturber son récupération. Cela a des conséquences directs sur l’enfant qui se retrouve fatigué la journée et en difficulté pour apprendre et être attentif.
Un autre signe du harcèlement peut se traduire par le corps. En effet, beaucoup d’enfants somatisent ce qu’ils vivent. Cela peut prendre formes sous des maux de têtes, de ventre, de l’eczéma, etc. L’anxiété provoquée par le harcèlement peut amener à ce type de somatisation.
Le harcèlement a des conséquences importantes sur le développement psychique et social de l’enfant. L’école est un des lieux importants pour l’enfant, et le fait de s’y sentir persécuté ou agressé a une incidence directe sur son développement psychologique. Le harcèlement qu’il soit physique, verbale ou psychologique conduit l’enfant à se replier sur lui-même. Des risques d’isolement, de sentiment de honte et d’insécurité sont malheureusement fréquents. L’enfant risque de vouloir éviter toute relation craignant d’en souffrir comme avec ses harceleurs. Il risque alors de développer d’autres trouble en lien avec la mauvaise image qu’il a de lui-même (boulimie, anorexie, etc.).
L’enfant qui se voit moqué ou dévalorisé finit par s’identifier à cela, se dévalorisant, se pensant inutile ou moche pour ne citer que ces exemples. Cette auto-dévalorisation peut être très dangereux pour l’enfant ou adolescent et modifier considérablement son développement psycho-affectif ainsi que son image de lui-même. Les risques de développer une humeur triste voire dépressive sont souvent des signes importants face auquel il faut réagir rapidement.
C’est pour cela qu’il est important de pouvoir discuter avec son enfant afin de la rassurer et d’éviter que d’autres troubles ne s’installent.
Enfin, le harcèlement peut amener l’enfant qui souffre de harcèlement à développer des conduites autodestructrices telles que des scarifications par exemple. Dans les cas les plus graves, le harcèlement peut mener au suicide. C’est pour cela qu’il est primordial de pouvoir en parler à un professionnel dès les premiers signes et de ne pas laisser son enfant dans un état de souffrance.
Comment réagir en tant que parent face au harcèlement ?
La première chose à faire avec son enfant ou adolescent est de se montrer disponible et à l’écoute pour échanger avec lui. En effet, le harcèlement est souvent une honte pour l’enfant qui cherche à le dissimuler. Dès lors, il est important que les parents puissent encourager l’enfant à parler et à ne pas se sentir isolé ou seul. L’enfant victime de harcèlement est souvent narcissiquement fragilisé et peut avoir peur de dire la vérité. Il est alors crucial de le rassurer et de l’accompagner à verbaliser ce qu’il vit. Si cela est trop difficile pour lui d’en parler à ses parents, le fait d’en parler à quelqu’un d’extérieur à la situation comme un psychiatre ou psychologue peut l’aider.
Le but n’est pas d’être forcément trop frontal mais de laisser la porte ouverte à l’enfant pour qu’il puisse en parler librement. Le principal est de ne pas être dans le déni ou de confirmer en un sens les propos des harceleurs. Par exemple de dire « tu devrais perdre un peu de poids et on ne te traiterait pas de gros à l’école » est à proscrire car cela impliquerait que les harceleurs disent vrais et que le parent n’est pas un individu protecteur.
Si l’enfant parvient à en parler, il faut le rassurer et lui expliquer qu’il a bien fait de partager ces informations plutôt que de les garder pour lui. Il faut appuyer sa parole, l’encourager et le protéger. Suite à cela, il est judicieux d’en référer à un membre de l’établissement scolaire (CPE, professeur, directeur, infirmier d’établissement, etc.) afin d’alerter sur la situation.
Pouvoir consulter un psychologue pour son enfant.
De même, s’il souhaite en parler à quelqu’un d’extérieur à la situation, ne pas hésiter à l’amener voir un professionnel.
Un enfant peut avoir besoin de parler des problématiques de son quotidien à quelqu’un d’extérieur, c’est-à-dire hors du cadre familial ou amical. La relation entre l’enfant et le psychologue est différente de celle avec les parents et peut donc l’aider à comprendre des choses sur lui et l’aider à traverser ces situations douloureuses.
Aller voir un psychologue n’est pas un aveu d’échec ou de faiblesse mais la reconnaissance d’une difficulté qui nécessite une aide extérieure.
Pour aller plus loin :
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